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INTERVIEW / le contre-amiral Djakaridja Konaté, chef d’Etat Major de la Marine nationale

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Dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accordés, le contre-amiral Djakaridja Konaté, chef d’Etat  Major de la Marine nationale  s’ouvre sur  la sécurisation des côtes ivoiriennes et appelle à la paix

Quelle est la relation entre la Marine nationale et l’économie bleue ?

Il faut dire que l’économie bleue, c’est dans l’ensemble l’économie  qui touche les voies maritimes dans une perspective durable. Pour inscrire l’économie dans sa durabilité, il faut que l’économie évolue dans un espace  sécurisé, c’est dans ce sens que la Marine nationale  intervient pour apporter la sécurité, la sûreté dans l’espace maritime afin que l’économie  bleue  prospère.

Suite à la crise qu’a connue la côte d’Ivoire, l’espace maritime et lagunaire sont restés longtemps à la merci des pilleurs de ressources halieutiques mettant à mal l’économie bleue. Depuis votre prise de commandement en 2011 à aujourd’hui, quel est le décor que présente la Marine nationale ?

De mon point de vue, le nouveau décor est reluisant parce qu’a ma prise de fonction, il faut dire que nous n’avions aucun moyen pour atteindre même le canal. Aujourd’hui, nous avons plusieurs bateaux pour être présents en mer et nous sommes vraiment présents en mer. Si vous suivez l’actualité, il y a eu beaucoup d’arraisonnements qui ont été faits depuis notre arrivée. Nous arrivons à exercer notre métier de marin. Nous pensons que nous apportons beaucoup à l’économie ivoirienne. Et comme vous le savez 90% de notre économie transite par la voie maritime. Donc, le fait d’avoir des bateaux pour sécuriser notre espace maritime, nous fait penser que nous avons fait beaucoup depuis la crise postélectorale. Si vous suivez l’actualité, ailleurs, il y a beaucoup de problèmes  liés à la sécurité maritime. Ici, dans notre espace maritime, Dieu merci, tout ce passe bien et il n’y a moins  de problèmes.  

Pouvez-vous affirmer aujourd’hui que la destination maritime ivoirienne est sécurisée?

Il me serait vraiment prétentieux de dire que l’espace maritime dans sa  totalité est sécurisé. Comme je l’ai dit nous avons quelques moyens pour être présents en mer et veiller à  la sécurité maritime. Dans ce sens, s’agissant de  nos approches du côté de nos côtes, je peux affirmer que cet espace  est sécurisé. Notre  difficulté dans la sécurisation de notre espace maritime, c’est l’absence de moyens, de patrouilleurs de haute mer qui nous font défaut .La Côte d’Ivoire dispose d’un espace maritime d’une zone économique exclusive de plus de 200 nautiques, c’est un grand espace qui a besoin de moyens. Avec les moyens dont nous disposons, nous arrivons à être présents, mais ces moyens restent insuffisants au regard de la grandeur de notre espace maritime. Avec nos autorités nous sommes  entrain d’étudier comment acquérir de nouveaux moyens pour être présents en haute mer. C’est de cela qu’il s’agit. Comme vous le savez, il n’y a pas de frontière physique au niveau de la mer. Et l’espace maritime ici touche tous les autres espaces maritimes. S’il y a un bateau qui navigue vers un autre Etat qu’il a des problèmes dans notre espace maritime, ce problème nous touche. C’est vraiment une continuité. C’est pour cela qu’il nous faut des moyens complémentaires pour être totalement présents dans l’ensemble de notre espace maritime. Ces moyens ce  sont des bâtiments, des équipements de surveillance maritime, il faut aussi une dimension aérienne  pour assurer la couverture totale de notre espace maritime. Nous en sommes malheureusement encore loin, mais nous travaillons à disposer de tous ces moyens pour assurer la sécurité dans la totalité de notre espace maritime.

En marge  de l’Euro navale 2018 en France, le ministre d’Etat, ministre de la Défense a annoncé la dotation prochaine de la Marine nationale d’un navire d’envergure. Pouvez-vous nous en dire plus ?  

Je l’ai dit tantôt, nous travaillons à disposer de moyens conséquents pour pouvoir être présents dans l’ensemble de notre espace maritime. Et ce travail passe par l’équipement de la Marine nationale de bâtiments notamment des patrouilleurs de haute mer. Nous  sommes ravis de vous entendre dire que le ministre est en phase avec nous et c’est  vraiment une bonne chose. Nous appelons de tous nos vœux la dotation de la Marine nationale d’un tel équipement. Un navire d’envergure, c’est un navire qui est plus grand et plus puissant que les navires dont nous disposons aujourd’hui. Il faut dire que la Côte d’Ivoire en tant qu’Etat côtier à un engagement vis-à-vis du droit maritime. C’est à dire que nous obliger d’assurer la sécurité sur l’ensemble de notre espace maritime. C’est une obligation de la Côte d’Ivoire  pour que l’économie bleue puisse prospérer. Et il nous faut  pour cela des moyens conséquents. Je  suis très content que le ministre ait personnellement participé à l’Euro naval 2018. Et Cela nous apporte un espoir. S’agissant de la dotation de la Marine nationale d’un bâtiment d’envergure, cela était prévu dans la loi de programmation militaire. Et nous attendons ce navire. Je ne pourrai vous en dire davantage. Il appartient au ministre d’approfondir cette réflexion. Nous en ce qui nous concerne, nous sommes très heureux d’entendre cette déclaration de la part de notre premier responsable, le  ministre d’Etat, ministre de la défense.

Le Citoyen Lambda se pose souvent des questions sur la présence récurrente de navire de guerre de puissances maritimes dans les eaux ivoiriennes. Qu’est-ce qui explique cette présence ?  

Cette question est très intéressante, elle nous permet de faire la lumière sur la présence de ces navires. Vous savez, l’une des missions essentielles des marines nationales, c’est la diplomatie navale. La diplomatie navale, c’est la représentation des Etats par leurs navires. Un navire militaire, c’est comme un Etat en déplacement. Si un navire militaire est dans nos eaux, c’est une partie de cet Etat qui se trouve chez nous. Ces bateaux sont donc là dans le cadre de la coopération qui existe entre nos marines .Et dans cette coopération, lors de la présence de ces bateaux, ils nous apportent un appui considérable dans le cadre de la préparation de l’entraînement de nos moyens, de nos hommes  et  de la formation de nos personnels. Lorsque ces navires viennent ici, nous profitons de leur présence pour faire des exercices navals avec ces bâtiments et cela permet  d’entraîner notre personnel. Il faut noter aussi que ces navires sont souvent là en escale technique. Quand ce type de bâtiment reste en mer pendant longtemps, ils ont des problèmes logistiques et ils sont obligés de rentrer dans un port pour satisfaire ces besoins logistiques. Il y a certains navires qui sont  là dans ce cadre précis. Voici ce que je puis vous dire sur la présence de flottes étrangères dans nos eaux. Nous sommes fiers de cette présence, car ces navires nous apportent beaucoup dans l’entraînement et  la formation de notre personnel.

Êtes-vous satisfait de vos effectifs ou allez effectuer des recrutements ?

Vous touchez là une problématique qui est vraiment d’actualité. Au niveau des trois composantes de l’Armée à savoir  l’Armée de terre, la  Marine nationale et l’Armée de l’air ce sont la Marine nationale et l’Armée de l’Air qui ont les plus faibles effectifs. Avec les départs anticipés à la retraite, nous avons beaucoup été affectés par cette situation qui fait que nous avons perdu beaucoup de nos hommes. Mais, cela était nécessaire. Ce programme de départ anticipé était prévu dans la loi de programmation militaire. Cela permet à l’armée dans un premier temps d’équilibrer son budget. Ce qu’on gagne, c’est le rééquilibrage budgétaire. Vous savez actuellement, tout le budget de l’armée est consacré au fonctionnement à plus de 90%.Il n’y a pas assez de marge pour l’investissement et l’équipement. On a parlé  des navires d’envergure dont a besoin la Marine nationale. Pour cela, il faut équilibrer le budget pour pouvoir faire des investissements. Ces départs volontaires à la retraite vont donc nous permettre d’équilibrer notre budget et d’aménager notre personnel par le recrutement de nouveaux personnels. Pour le moment, nous ne sommes par encore arrivés à  cela. Mais, cela va se faire très rapidement pour permettre de combler le déficit en effectif parce que nous sommes encore loin du taux qui est prévu pour la Marine nationale. Cela laisse donc  la place à des recrutements, cela permettra à certains  jeunes ivoiriens d’intégrer l’armée et ceux-ci viendront selon les critères de recrutement pour permettre à une armée technique comme la Marine nationale d’avoir du personnel qui fera réellement le travail de la Marine nationale. C’est vrai que pour nous, c’est difficile, mais nous tenons. Nous avons travaillé dans cet environnement plusieurs fois. Mais, j’ai foi que nous allons surmonter ces difficultés et nous sommes entrain de travailler pour cela .C’est pour cela que nous avons besoin de l’appui de tout  le monde, des pays amis pour les questions de formation. A la Marine nationale, la plupart de nos formations se passent à l’extérieur grâce à nos partenaires que je salue au passage. Et je pense qu’avec les nouveaux recrutements, nos allons continuer à former. Il n’y a que la formation qui peut nous permettre d’être à la hauteur parce que c’est du matériel technique que nous utilisons aujourd’hui. Et comme vous le savez la technologie va vite aujourd’hui avec l’informatisation à outrance des équipements. Et là nous avons besoins de personnes qui ont un niveau intellectuel très satisfaisant pour pouvoir suivre toutes ces formations. C’est vrai qu’il y a des efforts à faire, mais nous avons bon espoir que tout va bien se passer à terme.

Quels sont les rapports que vous entretenez avec les autres pays du golf DE Guinéeau niveau du renseignement ?

Vous savez au niveau de la marine le partage d’information est très important. Comme je l’ai dit au niveau de l’espace maritime il n’y a pas de frontière physique, nous sommes tous imbriqués les uns les autres et nous devons nous parler pour véhiculer l’information maritime. Dieu merci, il y a des dispositions qui existent au niveau du Golfe de guinée, on parle davantage de l’architecture de Yaoundé après le sommet de Yaoundé .Nos chefs d’Etat ont pris d’importantes décisions qui ont abouti à la mise en place de l’architecture de Yaoundé. Il s’agit de se mettre ensemble pour sécuriser le Golf de Guinée, cet espace appartient à tous les pays riverains de ce Golf. Ce Golf à plusieurs espaces et plusieurs pays sont concernés par la solidarité et la mutualisation des moyens. Comme vous le savez, il y a des pays qui ont plus de moyens, il y a d’autres qui ont moins de moyens. En nous mettant ensemble on arrive à mutualiser nos moyens pour apporter la sécurité dans notre espace. En ce qui concerne l’Afrique de l’ouest, nous avons trois zones : la zone E qui comprend le Nigéria, le Togo, le Bénin et un pays sans façade maritime qui est le Niger. L’économie de l’ensemble de nos pays est tributaire de la mer que nos soyons pays côtier ou non, on a notre économie qui transite par la mer donc nous sommes tous concernés par les problématiques qui touchent l’espace maritime. Le centre de coordination de la Zone E se trouve au Bénin. Nous avons la zone F qui comprend le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Libéria et la Guinée Conakry et le Burkina Faso pays sans littoral  dont le centre de coordination se trouve au Ghana. Tous ces pays se mettent ensemble pour sécuriser l’espace qui leur est attribué. Ensuite, nous avons la zone G qui comprend le Sénégal, la Guinée Bissau, le Cap-Vert, la Gambie et le Mali pays sans façade maritime dont le centre de coordination se trouve au Cap-Vert .A travers ce schéma, le partage de l’information se fait correctement. Les espaces sont régulés dans chaque espace, il y a un centre régional qui coordonne l’action des centres de coordination. Pour l’Afrique de l’ouest, c’est  le Cresmao  qui se trouve à Abidjan. Et pour l’Afrique du centre, c’est le Cresmac qui se trouve à Pointe Noire au Congo Brazzaville. Ces deux centres régionaux sont coordonnés par le centre interrégional de coordination qui se trouve à Yaoundé au Cameroun. C’est ce schéma qui nous permet d’assurer la sécurité et la sûreté  dans l’espace maritime du Golfe de Guinée. Tous les pays de la Cedeao son dans cette architecture de Yaoundé.

Avez un appel à lancer à la veille des fêtes de fin d’année ?

Nous avons parlé de beaucoup de choses, l’objectif de tout cela, c’est d’apporter la paix, la stabilité. Nous avons parlé de l’économie bleue, cette économie ne peut pas prospérer sans la paix, la stabilité. Donc, la recommandation que je peux faire pour cette fin année, c’est que les uns et les autres comprennent que la paix n’a pas de prix. Nous devons tous travailler pour paix. Nous sommes tous concernés par la paix. Car, sans paix tout ce que nous entreprenons est voué à l’échec. C’est pour cela que nous devons veiller à la paix comme à la prunelle de nos yeux. C’est cet appel à la paix gage de l’émergence de notre pays que je voudrais lancer à tous.

Interview réalisée par Essoh Lohoues Fulgence.

 

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