Conseiller
fiscal et juriste d’entreprise, Ezéckiel Zéha, Directeur Général du Cabinet
Fidex Conseil (structure spécialisée dans l’accompagnement des entreprises en matière
de fiscalité et conseil juridique). Dans cet entretien qu’il nous accordé, cet
homme d’affaires ivoirien parle du métier de conseil juridique et fiscal, certes
peu connu du grand public mais qui regorge d’énormes opportunités pour les
entreprises et les jeunes en quête d’emploi. Selon lui, c'est un métier
d’avenir et un maillon essentiel pour le développement de la Côte d’Ivoire.
Est-ce que vous pouvez nous présenter
votre structure ?
Notre
structure fait du Conseil juridique et fiscal et de l’extermination des
ressources humaines. Il s’agit d’approcher les entreprises et les orienter sur
toutes leurs problématiques, les aider à rédiger leur contrat à les analyser
afin de leur permettre d’anticiper sur les risques juridiques de leurs
organisations. Au niveau fiscal, il
s’agit de choisir le meilleur régime fiscal pour les entreprises, les aider à
l’optimisation et à la gestion fiscale. Nous aidons les entreprises qui n’ont pas
la possibilité et puis nous faisons la mise à disposition du personnel dans le
cadre de nos activités.
Et votre entreprise existe depuis
quand ?
Nous
existons depuis 2014.
Quel est aujourd’hui le bilan que
vous faites de votre entreprise ?
Ce qu’on
peut dire est que qu’aujourd’hui, c’est un secteur qui évolue en Côte d’Ivoire.
Il y a, de plus en plus, de structures de formations au métier de conseil
juridique et de fiscalité. On constate aussi que les entreprises font de plus
en plus confiance aux fiscalistes externes. Ils embauchent moins de fiscalistes
à l’intérieur.
Et pourquoi ?
Celui qui
est à l’extérieur a une vue plus globale de l’institution. C’est un métier
d’avenir, un métier très noble. On peut le comparer au métier d’avocat, médecin
ou architecte.
Parlez-nous de comment êtes-vous
arrivé dans ce métier ?
J’y suis
arrivé après une maîtrise de droit à l’université d’Abidjan-Cocody. J’ai fait
par la suite un stage dans un cabinet de Conseil juridique et fiscal qui est
devenu plus tard un cabinet d’avocat d'affaires. Mon maître s’appelle Traoré
Bakary, un très grand fiscaliste et puis par la suite j’ai décidé de
m’installer à mon propre compte. J’ai d’abord travaillé comme consultant pour
les entreprises avant d’ouvrir en 2014 mon propre cabinet. Nous étions deux, au
départ, aujourd’hui nous sommes une quinzaine. Je peux dire que j’y suis arrivé
dans ce métier par passion, j’aime le métier,
je suis chaque fois recommandé par de nouvelles personnes.
C’est un secteur en floraison comme vous
l’avez dit, mais quelle est votre particularité?
Oui, il y a
des cabinets qui ont déjà un nom, dès qu’on entend leur nom automatiquement, on
se dit c’est la garantie du travail bien fait, ce qui n’est pas
scientifiquement démontré. Pour répondre à votre question je dirai qu’on est
très proche du client. On fait en sorte que le client ait une assistance rapprochée.
On se substitue au client et on fait en sorte que contrairement à certains cabinets
qui ne voient leurs clients que lorsqu’il y a des problèmes et vice-versa, nous,
on est dans la gestion quotidienne pour mieux le connaître, mieux les enseigner
et avoir une approche individuelle parce que tout le monde n’a pas la même
problématique. Il faut donc connaître son client pour lui apporter une solution
sur mesure.
Quelle est la différence entre le
juriste fiscaliste et l’expert-comptable ?
La fiscalité
c’est d’abord avant tout du droit. On peut être un très bon comptable et ne pas
être un bon fiscaliste, par contre, lorsqu’on est un bon juriste on peut être
un bon fiscaliste parce que c’est l’interprétation
du code général des impôts, la doctrine fiscale et tous les écrits qui nous
servent de doctrine. Alors, c’est totalement différent. L’expert-comptable, il
fait son diplôme d’expert-comptable. Il est d’abord comptable et ensuite il
fait son diplôme d’expertise. Mais le fiscaliste fait la fiscalité, le droit
fiscal et ses analyses sont parfois plus pointues que celles d’un comptable.
Quels sont vos rapports avec l’Etat
de Côte d’Ivoire, est-ce que vous bénéficiez d’un accompagnement ?
C’est un
métier du secteur privé, ça n’a pas forcément besoin d’un accompagnement de
l’Etat, par contre nos partenaires privilégiés c’est la structure de l’Etat qui
collecte les impôts, c’est-à-dire la direction générale des impôts et je pense
que les cabinets conseils ont de très bon rapports avec la direction générale
des impôts, en tout cas avec les contrôleurs. Et même, l’administration fiscale
aime plus travailler, traiter, collaborer avec les conseils des entreprises que
les entreprises elles-mêmes qui ne comprennent pas parfois, ce qui leur est
reproché alors que le conseil fiscal, le sachant, a une approche avec
l’administration qui est différente.
Depuis que vous travaillez dans ce
domaine, quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontées les
entreprises en général, que vous avez remarquées ?
Ce que je
peux dire c'est que c'est un métier qui va de l’avant. Je veux dire qu’il n’y a
pas de problèmes majeurs, il y a de nouvelles thématiques, aujourd’hui la
thématique qui est en vogue, c’est le prix des transferts, on ne va pas s’étaler
là-dessus mais ce que je veux dire est que la fiscalité c’est un métier qui va
avec la vie de la nation.
Quels conseils donneriez- vous à quelqu’un qui veut créer une entreprise et qui a besoin des conseils d’un fiscaliste ?
C’est une
très belle question. C’est d’abord d’avoir la bonne forme juridique. Il y a les
entreprises individuelles qui sont liées intimement à la personne qui crée les
entreprises. Il y a les entreprises à responsabilité limitée et d’autres formes
de société. Donc pour ton business, il faut choisir la bonne forme de société d’abord,
ensuite il faut créer l’entreprise. Aujourd’hui, il y a le guichet unique. Il y
a le Cepici qui centralise tout le processus de création d’entreprise. Avant on
partait au greffe du tribunal, après le tribunal, on partait aux impôts pour
avoir un numéro de compte contribuable, ensuite tu partais à la Cnps et puis
dans toutes les administrations, aujourd’hui tout est centralisé à la création
du guichet unique dans le cadre du Doing business. Le Cepici est venu faciliter
le processus de création des entreprises.
A sa création, en 48 h ou 72 h, on avait une société créée. Mais
aujourd’hui on ne sait pas ce qui s’est passé mais il est très difficile de
créer une entreprise en Côte d’Ivoire. Le processus est vraiment différent de
ce qui a été vendu. Si bien qu’au bout d'un mois ou parfois plus, on n’a pas la
société. Sur ce point, je pense que ce sont nos gouvernants qui doivent le
résoudre plutôt que les acteurs.
Ensuite, lorsque vous créez votre société, il faut choisir le bon
registre fiscal. Et puis il faut se faire accompagner parce que le fait de ne
pas se faire accompagner, ne pas vouloir payer un conseil fiscal, on le
regrette plus tard lorsqu’on choisit le mauvais registre fiscal. Aujourd’hui il
y a différents registres fiscaux que l’Etat a mis en avant. Il y a pour les
toutes petites entreprises, il y a ce qu’on appelle la taxe de l’entreprenant,
il y a la microentreprise, le registre du réel.
Un exemple de risque auquel s’expose
un créateur d’entreprise pour avoir fait un mauvais choix de registre fiscal ?
Lorsque vous
créez une société que vous avez les yeux plus grands que votre ventre et que
vous avez un registre qui n’est pas approprié, vous serez amené à payer des
impôts alors que vous n’avez pas le chiffre d’affaires qui devrait générer ses
impôts. Il faut donc demander des conseils auprès d’un spécialiste, auprès de
quelqu’un dont c’est le métier, vous allez voir que vous allez rattraper cela dans
votre développement
Jusqu’à quel niveau pouvez- vous
pouvez accompagner une entreprise ?
Le conseil
fiscal est dans la vie de la société
Nous sommes en avant. Lorsque vous voulez créer une entreprise, vous
venez voir un conseil fiscal ou un juriste d’entreprise. Vous lui dites, voilà
mon idée, il va vous aider à choisir votre forme juridique, à organiser votre
entreprise parce que vous ne pouvez pas créer, par exemple, une entreprise dans
laquelle vous parler de restauration et puis vous mettez service informatique.
Le conseiller juridique est là pour vous aider à organiser votre objet, sur le capital,
vous aider à créer une bonne société et ensuite vous aider à avoir le registre
fiscal approprié à votre activité. C’est ça le plus important. Et puis bien entendu
dans votre gestion courante vous devez avoir un conseil fiscal, un conseil
juridique. Imaginez que vous vous voulez signer des contrats avec des
partenaires, il faut des spécialistes pour les lire, les rédiger, déceler tous
les problèmes qui peuvent naître de l’exécution de ce contrat donc le contrôle
fiscal est là durant toute la vie de l’entreprise parce que vous allez faire
l’objet de contrôle fiscal à tout moment, il faut quelqu’un pour vous
accompagner.
Est-ce que s’attacher les services d’un
conseiller fiscal est à la portée de tous ?
Est-ce que
c’est cher ? Je dirai que c’est relatif. Je dirai même que ce n’est pas cher
par rapport à ce que vous gagnez, en temps, en optimisation et puis ce que vous
gagnez en connaissance et puis après on ne fera pas la même facturation pour
quelqu’un qui vient de créer sa petite entreprise qu’une grande entreprise déjà
implantée en Côte d’Ivoire
Donc vous accompagnez toute sorte
d’entreprise quelque soit sa taille ?
Je vous ai
dit que la fiscalité doit être à tous les stades de la vie de l’entreprise. A
l’étape projet vous pouvez déjà contacter un fiscaliste parce que lorsque vous
la créez, il y a beaucoup de diligences à faire. Lorsque vous créez une société
il faut la rattacher fiscalement même quand vous êtes en train de la
constituer, au niveau du guichet unique. Beaucoup de gens ne le savent pas. Il crée
la société, ils ont leurs documents et puis il commence à travailler. Il faut
la rattacher. Lorsque vous êtes à un régime de taxe d’épargne de l’entreprenant
ou de la micro-entreprise, il faut faire votre déclaration pour qu’on vous
donne le montant de votre impôt annuel à payer.
Systématiquement, il faut le faire.
Vous pouvez ne pas le faire après quand on vous fait un redressement,
vous dites, ah je ne savais pas. Ou bien
vous créez l’entreprise mais vous n’êtes pas prêt à commencer mais il y a des
obligations, des déclarations à faire même si vous n’avez pas d’activité mais
si vous ne faites pas de déclaration, on peut vous redresser pour défaut de déclaration
parce qu’il y a deux obligations, l’obligation de déclaration et la déclaration
de paiement, donc si vous ne faites pas de déclaration c’est un défaut déclaration
et le livre de procédure fiscale sanctionne cela. Donc il faut avoir un
fiscaliste, ne serait que pour vous orienter, après vous pouvez aller tout seul
mais l’orientation vous ne pouvez pas l’avoir tout seul.
Mais
comment expliquez-vous le fait que beaucoup d’entreprises en Côte d’Ivoire ne
comptent pas en leur sein des fiscalistes ?
C’est parce
qu’elles veulent gagner de l’argent en ne dépensant pas, c’est ça le premier
problème. Les gens n’aiment pas dépenser et du coup il se dit je peux trouver
l’information moi-même. Mais à force de rechercher l’information vous-mêmes
vous dépensez plus donc souvent en ressources mais vous n’avez pas parfois la
bonne information. Ensuite, les gens se disent je n’ai pas envie d’avoir trop
d’interlocuteurs, c’est quand ils ont un problème qu’ils vont faire
l’administration fiscale qui leur dit il fallait faire ça, il dit ça je ne sais
pas mais nul n’étant censé ignorer la loi. Alors si vous ne savez pas, mieux
vaut se concentrer sur votre cœur de métier et puis vous attacher les services
de quelqu’un dont c’est le travail.
On entend souvent que les banques ne prêtent pas aux PME parce qu’elles ne sont pas, pour la plupart solvables, vous avez des conseils à donner dans ce sens ?
Ce que je peux dire est que les banques prêtent mais pour qu’une banque vous prête son argent, il faudrait qu’il y ait des garanties de remboursement. C’est aussi simple que cela. C’est la même chose que chez les particuliers si je n’ai aucune garantie que vous allez me restituer l’argent que je vous donne, je ne vous donnerai pas. Donc une entreprise, il faut qu’elle soit structurée parce que les banques, elles vont vous demander des documents comptables, des états financiers, des comptes d’exploitation réels mais aussi prévisionnels, l’organisation la structuration de votre entreprise, alors si vous avez tout ça que le projet que vous lancez est bancable. La banque va le soutenir forcement. Après les questions de taux d’intérêt, c’est un autre débat, est-ce qu’elles prêtent à de fort taux ? c’est une autre chose mais les banques prêtent mais pour vous prêter de l’argent, il faudrait que j’ai des garanties de ce que vous me rembourserez sinon je ne vous donnerai pas cet argent. Donc il faut être bien organisé, il faut avoir de la documentation et il faut structurer son business et puis allez vers la banque, elle va vous prêter forcément.
Vous voulez dire que vous accompagnez les
entreprises dans ce sens également ?
Absolument,
on accompagne les entreprises à se rapprocher des banques, à faire leur business
plan, à faire tous les documents que les banques demandent, quand c’est bien
monté par des professionnels, il n’y a pas de raison que vous n’ayez pas de
crédits. Si vous avez un projet pour lequel le client veut vous payez un certain
montant mais vous devez travailler d’abord avant que ce client ne paye ce
montant. La banque peut sur la base de cette promesse de paiement de votre
client vous donner de l’argent pour que vous puissiez travailler mais il
faudrait qu’elle ait des documents de garanties. Vous ne pouvez pas faire cela tout
seul, il faudra le donner à des professionnels.
Quels conseils pouvez- vous pouvez donner à tous ceux qui veulent embrasser le
métier de conseiller juridique et fiscal ?
On va dire
aux étudiants qui veulent devenir fiscalistes parce que tu ne peux pas
travailler, être par exemple médecin et puis vouloir être fiscaliste, ce n’est
pas aussi simple que ça. Par contre, un étudiant, dans tous les domaines de la
science, qui veut être fiscaliste, je ne peux que l’encourager parce que c’est
un très bon métier. Je vous l’ai dit au départ, le métier de fiscaliste est un
métier d’avenir. C’est comme le métier de notaire, d’avocat, de médecin, d’architecte,
de chirurgien-dentiste. Ce sont de très bons métiers et après, ce sont des
métiers qui nourrissent leurs hommes. Je
n’ai jamais vu de fiscaliste qui ne s’en sorte pas. Mais il faut d’abord aimer
la matière, travailler beaucoup. Aujourd’hui, il y beaucoup d’écoles de formation
dans le domaine en Côte d’Ivoire, il y avait l’Institut international des
sciences et techniques fiscales avec Docteur Traoré Bakary. Il y a des
formations en fiscalité à l’Université Félix Houphouët Boigny. Il y avait un
Dess en Fiscalité et Droit des Affaires. Comme je le dis, on peut être un
comptable et être bon fiscaliste mais il faut être juriste pour être bon
fiscaliste parce que c’est avant tout un domaine du droit d’abord, après on
peut changer de métier ou d’approche ou de schéma. Donc un littéraire, quelqu’un
qui a fait les lettres modernes peut être un fiscaliste.
Encouragez-vous la gente féminine à
s’intéresser également à ce métier ?
Dans mon
cabinet, la responsable et ses deux assistantes sont des femmes, mon service
fiscal, ce sont seulement des femmes donc c’est un métier pour tout le monde
mais les femmes s’y intéressent, de plus en plus.
Est-ce que vous croyez que l’école
ivoirienne, dans sa forme actuelle, qui est sous la rampe des critiques, peut
produire encore de bons fiscalistes, parce que vous, vous êtes de la vieille
école ?
Je pense
qu’il faut être optimiste. Je crois que
l’école ivoirienne a la possibilité de produire de bons cadres, de bons
managers, il faut seulement la rigueur parce que le niveau aujourd’hui lorsque
nous faisons les entretiens pour recruter quelqu’un, on voit que le niveau des
jeunes aujourd’hui est très bas. A l’écrit, les fautes sautent à l’œil, il y en
a qui ne peuvent même pas faire une phrase correcte sans faire des fautes. Le
niveau de langage est bas et puis même dans les attitudes, les comportements,
l’habillement tout ça, il y a beaucoup à faire mais moi je suis optimiste. Je
suis optimiste parce que je me dis qu’on peut être dans un moule social mais individuellement
on peut se démarquer. Ça part de la base familiale et puis il faut mettre ton
enfant dans une école où tu sais qu’il peut apprendre quelque chose et puis il
faut l’éduquer. Je suis de l’ancienne école mais je pense que la nouvelle
génération peut s’en sortir si elle est concentrée.
Notre entretien tire vers sa fin, s’il
y a quelque chose que vous voulez ajouter ?
Je voudrais
vous dire merci pour l’opportunité que vous me donnez de parler de mon
activité. Je voudrais aussi dire qu’aucune grande entreprise n’a commencé par
une PME. Elles ont toutes commencé petites et puis elles ont grandi et ont
gagné en expérience. C’est pourquoi je dis, que ce soit moi ou un autre cabinet,
n’hésitez pas à consulter un fiscaliste. Dès lors que vous ne comprenez pas
quelque chose, consultez un professionnel, quelque soit le métier. Aujourd’hui
on parle de plus en plus de startup mais vous ne pouvez pas faire un business
sans vous attacher les services d’un professionnel, ce n’est pas possible parce
que vous allez faire de mauvais choix et ils vont plomber votre business. Donc
autant anticiper en consultant un spécialiste en la matière. Il faut le faire,
ce n’est pas une obligation comme l’acte uniforme OHADA qui fait obligation
d’aller chez un notaire ou avoir un commissaire au compte par rapport à certaines
formes de société. N’hésitez donc pas à poser la petite question qui peut
changer votre destinée financière. Quand on a mal à la dent on ne s’arrache pas
la dent soi-même on va voir un spécialiste, il faut consulter ceux dont c’est
le métier.
Entretien
réalisé par N’G