Thème : La fraude aux examens scolaires session
2019 : Cas du Baccalauréat
INTRODUCTION
Mesdames et Messieurs les représentants des
organes de presse
Mesdames
et messieurs…
Nous
voudrions, au nom de Madame la Ministre Kandia CAMARA, Ministre de l’Education
Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, vous
saluer et vous remercier d’avoir bien voulu répondre si nombreux à notre
invitation.
Les examens scolaires
à grand tirage, session 2019, se sont déroulés du 17 juin au 27 juillet 2019
sur l’ensemble du territoire national.
A ce propos, le
point-presse que nous tenons ce jour, fait suite à celui du 27 juin dernier
relatif aux épreuves écrites du BEPC. A cette occasion, pour mémoire, nous
avions déclaré ce qui suit et nous citons : « le Ministère reste déterminé à lutter contre la fraude. Pour les
examens à venir, fort de l’expérience tirée du BEPC session 2019, c’est avec un
dispositif plus renforcé, qu’il s’investira dans ce combat contre la fraude
pour la crédibilité de nos examens ». Fin de citation.
Nous vous avions
aussi donné rendez-vous pour la fin de la session du Baccalauréat 2019.
Cette échéance étant
consommée, aujourd’hui avec l’autorisation de Madame la Ministre, nous vous
proposons la présente déclaration centrée sur l’analyse d’une série de
préoccupations ainsi qu’il suit.
D’abord, nous
observons qu’en dépit des campagnes régulièrement menées par le Ministère de
l’Education Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation
Professionnelle (MENETFP), les fraudes aux examens scolaires persistent et leur
ampleur tend même à s’accentuer.
Ensuite, nous
enregistrons des plaintes de plus en plus insistantes de certains parents de
candidats qui contestent ou rejettent les résultats. Cet état de fait nous a
amené à prendre la pleine mesure de ce que l’opinion n’est pas suffisamment
informée sur le processus de l’organisation des examens et les dispositions
relatives à la gestion des fraudes.
Par ailleurs, nous
sommes guidés par la nécessité d’apporter l’information juste sur les fraudes
et les sanctions qu’elles induisent, ce qui contribuera sans doute, nous
l’espérons du moins, à lever toutes les incompréhensions susceptibles d’altérer
le jugement des uns et des autres.
Enfin, nous plaçons
ce point-presse sous le sceau du devoir de reddition des comptes qui, comme
l’on sait, est l’un des principes fondamentaux de bonne gouvernance.
Notre démarche s’articulera
autour de deux points majeurs, à savoir :
-
Le
cadre organisationnel des examens scolaires ;
-
Le
comportement délictueux des candidats et des acteurs.
I – Le cadre organisationnel des examens
scolaires
L’organisation des
examens repose sur des textes et des procédures qui en constituent le cadre
légal.
A- Les fondements textuels
Il s’agit ici de
distinguer entre les textes législatifs et les textes réglementaires.
1 – Les textes législatifs
a) - La constitution
En son article 101, la
constitution ivoirienne dispose que la loi fixe les principes fondamentaux de
l’enseignement. Elle laisse ainsi le soin à la loi de 1995 relative à
l’enseignement d’en déterminer le contenu.
b) - La loi N°95-696
du 7 septembre 1995 relative à l’enseignement telle que modifiée par la loi N°
2015-635 du 17 septembre 2015
Il ressort de
l’article 3 de cette loi, prise en son dernier alinéa, que le rythme de
l’enseignement comprend des périodes d’étude et des périodes de vacances.
L’article 4 de cette
même loi fait apparaître que chaque degré d’enseignement comprend des modalités
d’évaluation des acquis qui leur sont spécifiques. Quant à l’article 6, il
énonce que le service public de l’enseignement fait l’objet d’évaluation
permanente. Cette évaluation est assurée au niveau de l’enseignement
préscolaire, primaire et secondaire par l’Inspection Générale.
Il résulte de la
lecture combinée des textes ci-dessus que le pouvoir d’organiser les examens
appartient dans le cas d’espèce au Ministre en charge de l’éducation nationale
qui édicte les textes réglementaires.
2- Les textes règlementaires
Il s’agit notamment :
De deux arrêtés relatifs à la fraude ;
-
l’arrêté
interministériel
n°0062/MEN/MESRS/METFP/MCF/MFPRA
du 25 juillet 2011 modifiant l’arrêté interministériel n°0047/MEN/MESRS/MEFP du
20 juin 1995
relatif aux sanctions en cas de fraude commise par les candidats et acteurs
et portant régime des réclamations aux concours et examens organisés par le
Ministère de l’Education Nationale ;
- l’arrêté N°0074/MENET-FP/DECO du 06 avril 2018 portant
interdiction de support de communication numérique dans les centres
pendant les examens et concours relevant du Ministère de l’Education Nationale
de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle ;
De l’arrêté N° 0125/MENET-FP/DECO
du 11 décembre 2017 portant organisation et attributions des structures de la
Direction des Examens et Concours ;
De trois arrêtés
édictés chaque année portant ouverture de la session du CEPE, du BEPC et du
Baccalauréat :
- De l’arrêté N° 0208/MENET-FP/DECO
du 23 novembre 2018 portant ouverture de la session 2019 de l’examen du
Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires (CEPE)
- De l’arrêté N°
0209/MENET-FP/DECO du 23 novembre 2018 portant ouverture de la session 2019 de
l’examen du Brevet d’Etudes du Premier Cycle, en abrégé BEPC
- De l’arrêté
interministériel N° 0210/MENET-FP/MESRS/MCF du 28 novembre 2018 portant
ouverture de l’examen des Baccalauréats de l’Enseignement Général, Technique et
Artistique du Second Degré
De trois décisions édictées chaque année portant
organisation des délibérations des trois examens
- De la décision N°
0096/MENET-FP/DECO du 06 mars 2019 portant organisation des délibérations à
l’examen du Certificat d’Etudes Primaires Elémentaires (CEPE) de la session
2019 ;
- De la décision N°
0154/MENET-FP/DECO du 20 mars 2019 portant organisation des délibérations à
l’examen du Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) de la session 2019 ;
- De la décision
interministérielle N° 1271/MENET-FP/MESRS/MCF du 12 juin 2019 portant
organisation des délibérations à l’examen des Baccalauréats de l’Enseignement
Général, Technique et Artistique du Second Degré de la session 2019.
A
côté de ces textes règlementaires, le Ministre édicte des circulaires, ainsi
que des manuels de référence en direction des candidats et des acteurs. Ces
manuels décrivent les différentes étapes de l’organisation des examens
scolaires ainsi que celles liées aux procédures des corrections et des
délibérations.
Par
ailleurs, des mentions sont portées sur les convocations des candidats (1) et des acteurs (2)
en termes de prescriptions à observer.
B- La
procédure suivie à l’occasion des corrections
Sous
cet intitulé nous nous appesantirons sur la procédure des corrections des
épreuves.
Les
Centres de Collecte et de Contrôle (CCC) centralisent les copies en provenance
des centres de composition et les transmettent aux Centres de Corrections et de
Délibérations (CCD).
Une
fois en ces lieux, les copies sont corrigées par pouls disciplinaires sous le
contrôle des harmonisateurs. Cette opération s’effectue sous l’autorité d’un
président de jury superviseur.
Hormis
les cas de flagrance constatés pendant les compositions, les correcteurs
peuvent constater des irrégularités sur certaines copies susceptibles de
constituer des cas de fraude. D’autres cas découverts pendant les délibérations
sont soumis au jury qui décide si les faits sont réalisés dans leurs éléments
constitutifs. C’est le lieu de préciser que le jury de délibérations peut
s’autosaisir.
Une
fois les travaux de délibérations achevés, le président du jury de délibération
adresse un rapport relatif aux fraudes à la DECO qui le transmet à la
Commission Nationale de Discipline (CND).
Cette
Commission Nationale de Discipline, composée de représentants de différents
ministères et d’organisations de parents d’élèves, statue en dernier ressort et
décide de la suite à donner.
Le cadre
organisationnel des examens scolaires ainsi rappelé, il convient d’examiner à
présent, le comportement délictueux des candidats et des acteurs pour faire
ressortir les sanctions qui s’y rattachent.
II. Le comportement
délictueux des candidats et des acteurs et les sanctions prévues
La supervision, la
surveillance et l’administration des épreuves ont permis à nos services et aux
agents des forces de l’ordre dont nous saluons l’engagement à nos côtés, de
démasquer des fraudeurs et de démanteler certaines de leurs stratégies.
A - Les faits et les stratégies de fraudes
FAITS |
STRATEGIES |
SANCTIONS/MESURES |
Pendant
la composition - Détention (3) de téléphones portables (4) ; - Détention de
téléphones portables dont certains affichent des corrigés d’épreuves ou des
termes comme « change un peu, tu n'es pas le seul, ouvre ton WhatsApp ;
copie et attends le reste arrive »; - Substitution de
candidat par une tierce personne (mercenariat) ; - Acteurs composant
pour un candidat ; - Echanges de copies,
de brouillons ; - Détention de
documents ou de matériels non autorisés ; - Détention de
corrigés des sujets…
|
- Activation de modes
opératoires par des réseaux de fraudeurs (groupe WhatsApp (5), SMS, Instagram…). - Utilisation de
supports de communication numérique - Dissimulation de
portables dans les sous-corps, les cheveux, les chaussettes, les sandwiches,
les parapluies, les toilettes, sous les tables-bancs (Image Table), sous les foulards, les poubelles…. - Réseaux organisés
(recrutement, collecte de fonds, corruption des acteurs…) - Vente de fausses
épreuves (Image_fausses epreuves) - Agression des
acteurs par les candidats ayant été pris ou empêchés de tricher (6). |
- Expulsion du
centre ; - Interpellation par
les forces de l’ordre ; - Inscription de la
mention fraude sur les copies - Rapport adressé au
jury de corrections et de délibérations |
FAITS |
STRATEGIES |
SANCTIONS/MESURES |
Pendant
la composition (suite) |
- Recours à des tiers
pour intimider ou agresser les acteurs.
|
- |
Pendant
les corrections -
Copies semblables (mot pour mot, faute pour faute) (7), (8); -
Ecritures différentes sur la copie principale et/ou
l’intercalaire (9) ; -
Candidats ayant traité des sujets d’une autre série que
la leur (10) ; -
Candidat ayant traité en Allemand les épreuves LV1/LV2
(11) ; - Découverte de
copies portant des mentions comme « change un peu, tu n'es pas le seul, ouvre
ton whatsApp; copie et attends le reste arrive ». |
-
Copies portant des termes ou signes trahissant
l'anonymat -
Utilisation de supports de communication numérique
|
-
Inscription de la mention fraude sur les copies. -
Rapport adressé au jury de corrections et de
délibérations
|
FAITS |
STRATEGIES |
SANCTIONS/MESURES |
Pendant
les délibérations -
Copies semblables ; -
Candidats ayant traité des sujets d’une autre série que
la leur : -
Ecritures différentes sur la copie principale et/ou
l’intercalaire. |
-
Copies portant des termes ou signes trahissant
l'anonymat -
Utilisation de supports de communication numérique
|
-
Ajournement des candidats -
Rapport adressé au jury de corrections et de
délibérations - |
Après
la proclamation des résultats
-
Détention et usage de fausses attestations de réussite -
Cas de fraudes adressés à la CND.
|
-
Réseau d’édition de fausses attestations de réussite |
A l’encontre des candidats - l’interdiction temporaire de 1 à 5 ans de se
présenter à l’examen ; - la traduction devant les tribunaux A l’encontre des acteurs - l’interdiction
temporaire ou définitive de participer à l’organisation des examens - le retrait de
l’autorisation d’enseigner ou de diriger des établissements privés ;
|
FAITS |
STRATEGIES |
SANCTIONS/MESURES |
Après
la proclamation des résultats (suite) |
- |
- la traduction
devant les tribunaux des acteurs - la traduction
devant le Conseil de Discipline de la Fonction Publique des
fonctionnaires ; - la traduction devant le Conseil d’Université des
présidents de jurys de l’examen du Baccalauréat |
Cette année, la
fraude a pris une ampleur singulière avec l’usage massif des smartphones. Une
forme particulièrement élaborée est apparue avec la constitution de groupes
logés sur les réseaux sociaux. Les administrateurs de ces groupes proposent
leurs services à coups de slogans publicitaires aux candidats qu’ils se vantent
d’amener au succès sans aucune peine. Ceux qui (candidats ou parents de
candidats) adhèrent à leur offre, reçoivent sur leur smartphone, un protocole
et un code d’accès à une plateforme informatique qui est supposée leur délivrer
les corrigés des épreuves en temps réel, le moment venu.
B – Les
sanctions
Il existe deux degrés de sanctions :
o Premier
degré :
-
Expulsion du candidat de la salle de
composition ;
-
Ajournement du candidat par le jury de
délibérations.
o Deuxième
degré :
-
Confirmation de l’ajournement par la CND assortie
de mesures complémentaires si les faits sont établis.
Pour la
présente session, la Commission Nationale de Discipline n’ayant pas encore
siégé, les mesures prises à l’encontre des candidats et des acteurs n’ont pas
encore acquis autorité de la chose jugée.
C – Analyse
En termes statistiques, en
2017 on a constaté 208 cas de fraudes sur 242 908 candidats au
Baccalauréat. En 2018, ce sont 1516 cas de fraudes qui ont été identifiés sur
256 452 candidats. Cette année 2019, on enregistre 6 250 cas de présomption de
fraudes pour 273 342 candidats (stats).
Ainsi, on est passé d’un
taux de fraude de 0.1% en 2017 à 2.3% en 2019. Cette évolution est d’autant
plus préoccupante que ces actes de fraudes sont soutenus par des stratégies
bien élaborées et réalisés quelquefois dans une atmosphère de violence et de
terreur dans certains Centres d’examen et sur leurs gestionnaires (rapport d’agression).
La
situation est alarmante !
Les
faits de fraude, on l’aura remarqué, passent de l’acte isolé à des opérations
de grande ampleur perpétrées au sein de groupes bien organisés, dotés de moyens
technologiques conséquents dans le but d’accéder aux épreuves d’examen dès leur
lancement, de les traiter et d’en faire un commerce.
C’est
cet état de fait qui explique l’augmentation exponentielle du taux des fraudes
que nous avons indiqué tout à l’heure.
CONCLUSION
Mesdames et
Messieurs, tous, nous devons comprendre que le combat contre la fraude est et
doit être une entreprise de salubrité publique qui a pour vocation :
-
d’assainir
nos examens scolaires pour en préserver la valeur et la crédibilité ;
-
d’assurer
l’équité et l’égalité des chances pour tous les enfants de notre pays ;
-
de
promouvoir la culture du goût du travail ;
-
de
célébrer les valeurs du mérite et de l’excellence ;
-
d’offrir
à notre pays un capital humain de qualité.
Chacun doit donc se sentir
concerné par la lutte contre la fraude et s’employer à faire le bon choix
entre, d’un côté les fraudeurs qui sont en réalité les fossoyeurs des valeurs
civiques et citoyennes et de l’autre, celui du MENETFP, c’est-à-dire le camp du
combat pour une société juste et égalitaire, le camp de la morale en somme.
L’ampleur
du phénomène de la fraude aux examens scolaires dans notre pays risque, si l’on
n’y prend garde et si l’on n’y met pas un coup d’arrêt, de gangréner la société
tout entière. Car, que peut-on attendre d’un citoyen appelé à un emploi, à
quelque niveau que ce soit, s’il ne doit sa position qu’à la fraude et à la
tricherie ?
Les quelques parents
qui s’associent à cette entreprise de contournement malhonnête des difficultés,
devraient comprendre que, loin de rendre service à leurs enfants, ils les
exposent plutôt à un avenir de médiocrité et à un échec social.
En tout état de
cause, qu’il soit clairement su de tous et de toutes, que le ministère fera
toujours sa part, sans concession ni faiblesse, sur cette question du combat
contre la fraude. Nous continuerons le combat contre la fraude aux examens
scolaires, avec la même détermination que par le passé, mais avec des armes
plus adaptées et le soutien, espéré et fortement attendu, de l’ensemble des
Ivoiriens.
Le Ministère de
l’Education Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation
Professionnelle est appelé à organiser des examens en se fondant sur le
principe de l’égalité des chances et selon des normes qui rendent nos diplômes
compétitifs en deçà et au-delà des frontières de notre pays. Nous ne
sanctionnons donc pas pour sanctionner.
Lutter contre ce fléau est un devoir
commun !
Nous vous remercions de votre attention soutenue