Ce vendredi 13 septembre 2019, des associations de la société civile ivoirienne ont organisé une conférence de presse à l’effet d’attirer l’attention des ivoiriens en particulier, et celle de l’opinion internationale sur les risques de troubles que pourraient occasionner les élections générales de 2020 si celles-ci étaient organisées à l’état. Nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de la déclaration de leur porte parole.
« Chers amis de la presse,
Mesdames et messieurs,
Citoyens, citoyennes,
Notre pays est à treize (13) mois de l’élection présidentielle, dans un
contexte sociopolitique tendu. Il est donc du devoir de tous les citoyens de
faire chacun ce qui est en son pouvoir, pour garantir des élections apaisées.
C’est pour cela que nous, organisations de la société civile, nous sommes
organisées pour accélérer le processus de la réconciliation nationale. Force
est de reconnaitre que malgré toutes les initiatives en faveur de la
réconciliation, elle demeure inachevée. Nous avons donc décidé de travailler
pour en faire une réalité, dans l’intérêt supérieur de l’avenir de nos enfants.
Cette conférence va s’articuler autour de trois (3) points majeurs :
LA LENTEUR DE LA RECONCILIATION
LA NECESSITE D’UNE NOUVELLE STRATEGIE INCLUSIVE
L’OFFRE DE LA SOCIETE CIVILE
DE LA LENTEUR DE LA RÉCONCILIATION
La réconciliation nationale est un élément structurant de la stratégie de
sortie de crise et de création des conditions de paix et de prospérité durable,
sans lesquelles aucun développement n’est possible.
À un an de la présidentielle, les tensions se cristallisent et les positions se
radicalisent. À écouter les uns et les autres, à savoir le pouvoir et
l’opposition politique, 2020 n’augure absolument rien de bon. Chaque camp ne
semble pas prédisposé à accepter une quelconque défaite. Nous assistons à
véritable un dialogue de sourds.
Sans risque de nous tromper, le processus de Réconciliation nationale, est
déplorable et frise l’échec car il a été mal conduit et mal géré.
Le pouvoir s’est choisi ses propres interlocuteurs en matière de dialogue
social et politique. Comme exemple patent, le refus des autorités ivoiriennes
de réformer la commission électorale indépendante (CEI), malgré les demandes
réitérées d’une partie de la société civile et d’une partie l’opposition
politique. Cela fait planer des suspicions sur leur volonté d’aller à la
réconciliation.
L’établissement de la vérité et le pardon, constitue la deuxième préoccupation
des populations.
Malgré la mise en place de structures par l’Etat, notamment la Commission
Dialogue, Vérité et Réconciliation, remplacée plus tard par la Commission
Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes, et même
l’existence d’un ministère chargé de promouvoir les idéaux de pardon et de
réconciliation, ces différentes instances n’ont pas été à la hauteur des
attentes de nos concitoyens.
En clair, le gouvernement, qui avait opté au début du processus pour la
neutralité, s’estimant sans doute lui-même partie, a fini par devenir juge.
Jusqu’à ce jour, seul un camp a subi le courroux de la justice.
Dans un contexte aussi tendu que flou, comment aller donc à la Réconciliation ?
Aujourd’hui, rien ne rassure quant à l’effectivité de la réconciliation d’ici
2020. Nous, organisations de la société civile estimons que nous ne devons pas
rester dans les dénonciations et les propositions sans suite, mais nous devons
nous inviter dans la définition et la mise en œuvre d’une stratégie réaliste et
efficace.
Nous soutenons que la réconciliation sera effective lorsque tous les fils et
toutes les filles du pays seront autour d’une même table dans un esprit
constructif pour un dialogue inclusif.
Il faut donc définir une nouvelle stratégie INCLUSIVE.
DE LA NECESSITE D’UNE NOUVELLE STRATEGIE
INCLUSIVE
Depuis le début de la crise ivoirienne en 1999, nous avons assisté à plusieurs
initiatives, du forum social en 2000 à la CONARIV, la Côte-d’Ivoire n’est
toujours pas à l’abri d’une autre crise post-électorale, d’autant plus que
l’environnement électoral n’est pas encore assaini avec une CEI déjà contestée.
Il est donc plus que nécessaire de travailler à nous réconcilier parce que la
paix, la réconciliation, la stabilité, permettent le développement, le progrès
économique, la protection des minorités fragiles.
Si aujourd’hui, pour le plus grand bien des ivoiriens, tous les acteurs
politiques ivoiriens aspirent à une réconciliation nationale, nous ne pouvons
que nous en réjouir. Mais sont-ils sincères ? Ne sont-ils pas dans calculs
politiciens ? Un parti politique peut-il à lui seul réconcilier tous les
ivoiriens aujourd’hui ? Avons-nous le temps d’attendre les réponses à toutes
ces questions, avant de prendre une initiative fédératrice ?
Nous répondons « NON » aux deux dernières questions.
Depuis des décennies la Côte-d’Ivoire doute d’elle-même : elle se sent menacée
dans sa culture, dans son modèle social, dans ses croyances profondes, elle
doute de son avenir. Voilà pourquoi cette plateforme de la société civile
dénommée “Initiative de la Société Civile Ivoirienne pour la Réconciliation
nationale” (ISCIR) a été mise en place. Elle sera guidée par une exigence,
celle de rendre aux ivoiriens cette confiance en eux, et entre eux, depuis trop
longtemps affaiblie par les incessantes crises et frustrations.
Que proposons-nous ?
DE L’OFFRE DE LA SOCIETE CIVILE
Vu le contexte dans lequel les positions semblent tranchées et où le dialogue
politique est en panne, seule une société civile RESPONSABLE, peut jouer le
rôle de médiatrice et de conciliatrice des différentes parties. La capacité de
la société civile à fournir une analyse indépendante d’une situation donnée,
peut créer des réseaux de consolidation de la paix.
L’Acte constitutif de l’Union africaine souligne la nécessité d’établir un
partenariat entre les gouvernants et tous les segments de la société civile.
Par son immersion dans la société et la préservation d’une identité distincte
de celle de l’appareil de l’État, la société civile a vocation de contribuer à
animer les dispositifs d’alerte rapide. Ainsi, Initiative de la Société Civile
Ivoirienne pour la Réconciliation (ISCIR) veut s’illustrer dans ce domaine en
œuvrant au renforcement des capacités en prévention des conflits dans notre
pays.
La société civile peut animer une action de proximité pour la réduction des
tensions dans les situations de crises et dans les phases cruciales des risques
de dérapage. Elle peut aussi contribuer à la mobilisation de la solidarité
nationale et internationale, en appui aux activités d’auto-assistance des
communautés ou des couches défavorisées victimes de l’exclusion sociale. Elle
peut assurer la médiation entre les groupes antagonistes et s’investir dans la
canalisation des mouvements populaires. Il est donc de l’intérêt des
gouvernants de prendre conscience des avantages qu’il y a favoriser l’émergence
d’une société civile responsable. Ce qui importe pour nous, c’est la
préservation d’un climat de paix perpétuelle afin de garantir à nos
progénitures un avenir meilleur.
Nous allons donc commencer dès la semaine prochaine des consultations de tous
les acteurs politiques et sociaux. Les résultats de ces consultations nous
permettront de faire une proposition de stratégie qui sera soumise à tous, au
cours d’un atelier. Cet atelier permettra la définition d’une stratégie commune
et l’appropriation de cette stratégie par tous.
En fonction du contenu de cette stratégie, chacun fera sa part pour le retour
de la vraie cohésion sociale avant les élections. Il est important de relever
que cette stratégie devrait contribuer à renouer le dialogue politique sur
toutes les questions sensibles.
Citoyens, Citoyennes,
Nous sommes à treize (13) mois d’octobre 2020, et cette nouvelle initiative est
une opportunité de nous rassembler pour travailler ensemble à la VRAIE
réconciliation nationale.
Toutes les organisations qui épousent cette vision sont donc invitées à nous
rejoindre, car c’est dans l’unité et le dépassement que nous arriverons à
sauver notre pays d’une autre guerre.
Fiers ivoiriens, le pays nous appelle !
Notre devoir sera d’être un modèle de l’espérance promise à l’humanité.
Que Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.
Je vous remercie.
Pour Ie SCIR, LePrésident,
Seydou YEO ».